Alexandra Vincent, architecte d’intérieur n’a qu’une seule ambition : aider ses clients à être bien chez eux. Et pour être bien chez soi, il n’y a pas que l’esthétisme et la déco, il y a aussi et surtout le besoin d’évoluer dans un environnement sain qui protège l’environnement mais également et avant tout, ses habitants. Plongée dans un monde passionnant où il faut jongler avec de nombreux impératifs pour le bien-être du plus grand nombre.
Le monde de l'architecture d'intérieur pour vous, c’est une vocation ou un hasard ?
Mon père était menuisier de formation, mon grand-père maçon et mes grands-parents dotés d’une grande fibre artistique. Moi, enfant, j’avais un côté très technique. J’adorais démonter les choses. J’étais déjà fascinée par Léonard de Vinci qui regroupait à lui seul tous ces éléments ; la technique, le dessin. Du coup au Collège, je suis allée au Centre d’orientation et j’ai découvert le design de mobilier et là je me suis dit c’est ce qu’il me faut.
Je suis entrée à l’Ecole Boulle pour y faire du mobilier. Au cours de ma Manaa (mise à niveau en arts appliqués), on m’a orienté vers l’architecture d'intérieur qui présentait l'intérêt d’être beaucoup plus complet : on touche au mobilier, à la déco, à la technique aussi. Sans compter que les possibilités professionnelles sont beaucoup plus étendues. Et c’est vrai qu’en y repensant, petite, je passais mon temps à déplacer mes meubles sans arrêt, et j’adorais regarder chez les gens, leur intérieur.
Après mon BTS, j’ai eu l’occasion de faire un voyage pour continuer mes études et j’ai choisi le Québec, car les langues étrangères, ce n’était pas trop mon truc. J’ai atterri à Montréal à l'UQAM (Université du Québec à Montréal) et avec mes crédits universitaires, on m’a donné toute latitude pour me consacrer au design de mobilier. Je me suis vraiment perfectionné là-dedans ainsi que dans les logiciels, j’ai participé et gagné à des concours ; une chaise avec pivot, un chauffage radiant, entre autres.
Vous pratiquez l'aménagement d'intérieur de façon tout à fait originale, qu’est-ce qui vous caractérise ?
Après mes études, toujours à Montréal, j’ai commencé à travailler. D’abord pour des boîtes de nuit et des restaurants. Un travail passionnant et stimulant dans lequel on peut se montrer audacieux mais qui très vite m’a montré ses limites. Car dans ce mode, la déco est assez éphémère. Elle dure trois à 5 ans et on change tout, on jette. C’est à ce moment-là que j’ai compris que cela allait à l’encontre de mes valeurs. Et que mon défi allait être d’exercer cette passion avec une certaine démarche éthique.
J’ai ensuite travaillé à retaper des appartements pour une propriétaire de plusieurs biens immobiliers, d’abord en tant que salarié puis une fois à mon compte j'ai pu avoir une nouvelle clientèle. Là-bas, j’avais accès du coup à toute sorte de matériaux en provenance notamment de la Côte Ouest américaine, très en avance dans ce domaine éthique et écologique. Et j'avais noué des partenariats avec les premiers ébénistes écologiques de Montréal. Et là encore, je me suis dit qu’il devait y avoir moyen de se servir plus localement et de mettre en place une véritable vision écologique. Je crois avoir été l’une des premières même là-bas à me définir comme architecte écologique.
Ensuite, vous revenez en France et vous créez Hava Design. Que veut dire Hava design ? “Hava” en turc signifie “celle qui apporte son aide” !!! Vous l’avez choisi sciemment ?
J’ai décidé de revenir en 2013 car même si c’est un pays que j’adore vraiment, il est difficile de vivre aussi éloignée de toute sa famille pendant très longtemps.
J’ai redécouvert la France, sa richesse culturelle, sa variété de paysage que l’on n’a pas au Canada où vous pouvez rouler huit heures durant sans que le paysage n’évolue.
J’ai choisi de m’installer à Lyon, ville vivante pleine de culture et de musique mais j’ai mis un moment avant de me relancer à mon compte. J'ai créé mon entreprise au Québec en 2006 j’ai cherché un sigle qui pourrait synthétiser mes initiales et l'habitat et l’ameublement, Hava est né.
Sur votre site, on peut lire, “Architecture d’intérieur écologique et thérapeutique - Slow design” De quoi parle-t-on vraiment ?
L’architecture d’intérieur va s’occuper de l’ergonomie de l’espace. Le décorateur va lui s’occuper de l'esthétisme. Notre métier d'architecte d'intérieur inclut l'aspect décoration car il est difficile d'aménager un espace sans s'y projeter comme lieu de vie, c'est ce qu'attendent nos clients que tout soit pensé pour le confort physique et esthétique.
Le design thérapeutique va prendre en compte une dimension supplémentaire : la psychologie de l’environnement. Comment les gens vivent, ce dont ils vont avoir besoin. Le but va être de prendre le temps de comprendre et de voir l’important. J’ai un exemple à vous donner. Une de mes clientes se plaignait de ne pas voir sa fille qui restait cantonnée à un autre étage. En lui aménageant un espace dans la pièce commune, sa fille est revenue travailler à côté de sa mère et les échanges ont repris. Pour cela, il faut être extrêmement à l’écoute des clients et passer beaucoup de temps à les questionner sur leur façon de vivre et sur leurs attentes et besoins.
Le Slow design va réclamer de revenir à un travail à échelle humaine. On va devoir conjuguer, bien être, environnement, durabilité, authenticité. La notion de temps va être primordiale. Dans ce domaine, tout va prendre plus de temps, il faut en avoir conscience, le temps que l’artisan fabrique le meuble, que le matériau adéquat arrive… Mais attendre, c’est aussi une façon de s’approprier les choses.
Je me présente comme une technicienne du réel, je peux parfois aussi faire appel à des ingénieurs pour sécuriser un détail si besoin.
Mais attention, j’accorde évidemment une grande place à l’esthétisme, aux couleurs et aux matières en matière de déco en plus de sa "non nocivité" et de son impact environnemental.
Mon ambition est de cerner l’attente de mes clients : est-ce qu’ils veulent des matériaux sains pour la santé ou est-ce qu’ils privilégient l’impact environnemental, ou les deux ?
Quelles sont leurs valeurs écologiques ?
Quels conseils donneriez-vous à nos lecteurs pour évoluer dans un environnement sain ?
Dans l’habitat, il y a deux choses à prendre en considération :
- L’habitat en lui-même, c’est-à-dire ce qui est propre à la maison. Elle peut être humide, mal ventilée, etc… On peut traiter ces problèmes facilement avec une très bonne ventilation, un double flux, un bon entretien.
- Et ce que l’on va faire rentrer dans la maison : le mobilier, les peintures qui vont potentiellement être nocives. Là, il va s’agir de faire très attention à ce que l’on amène à l’intérieur de notre habitat. Il y a nombre de certifications qui permettent de vérifier cela ; le label Oko test Oeko Tex par exemple. PVC free, Safety of toys, Evergreen, Ecocert, l’Ange bleu. Attention cependant il y a des différences entre label et certification, aussi il faut bien comprendre que tous sont basés et évalués selon nos connaissances actuelles sur les composés toxiques. L'Anse par exemple étudie en moyenne 3 composés par an... il en existe plus de 2000 !!! C'est pourquoi des matériaux le moins transformé possible et avec des finitions naturelles sont plus sains.
Il faut vraiment voir notre maison comme notre corps. L’architecte d’intérieur habille la structure mais la structure si vous ne l’entretenez pas au niveau des fondations, la moisissure, l’imperméabilité des fenêtres, vous aurez beau lui mettre des beaux bijoux et des beaux vêtements, une belle déco en gros, vous ne serez pas forcément en meilleure santé. Et le corps doit être bien habillé aussi sinon car si vous sortez sans vêtements, cela risque d'être compliqué. Et enfin, on a envie d'être beau, donc on décore !
Comme en cuisine, il va falloir faire entrer des matériaux dans notre maison le moins transformés possibles.
Autre conseil : privilégier la seconde main qui permet d’opter pour des meubles qui n'émettent plus. Tout en faisant attention par contre que les mousses et les rembourrages ne soient pas dégradés ou aux anciennes peintures et vernis à base de plomb avant de restaurer un meuble.
De quoi faut-il se méfier le plus ?
Les fameux COV, composés organiques volatiles, et COSV composés organiques semi volatiles, l’humidité, les champs électromagnétiques. Là encore, on est loin d’être en avance en France. Au Québec, l’électrosensibilité est reconnue comme une maladie invalidante. En France, c’est à peine si on sait de quoi il s’agit.
Sans oublier que la matière première d’un produit peut avoir été fabriquée dans les meilleures conditions, biologiques et durables, pour être ensuite transformée ailleurs et perdre tout son intérêt premier. Ça peut être très complexe. Il faut que les gens soient vigilants comme ils le sont de plus en plus avec leur nourriture. Attention au green bashing !
Vous avez vécu et pratiqué au Canada, y a t-il des différences notoires en matière de déco ?
Les Quebécois aiment beaucoup les boiseries, les corniches, les plinthes. Ils apprécient le style classique mais chaleureux, industriel aussi. Ils sont très couleurs aussi beaucoup plus que les Français, ce qui est normal quand tout est blanc pendant six ou huit mois de l’année. Ils ont l’habitude de déménager très souvent donc s’approprient les lieux de façon différente.
En France, on a perdu ces détails architecturaux pour un style beaucoup plus contemporain, moderne et épuré.
Est-ce que vous rencontrez des difficultés en matière d’approvisionnement de produits écologiques ?
Surtout en matière de plomberie et d’électricité. Tout est quasiment fabriqué en Chine ou en Italie dans ce domaine. Les colles nous posent des soucis car elles ont presque toujours des polymères. La vraie difficulté n’est pas simplement de trouver le produit écolo mais plus de le trouver à un prix raisonnable. C’est ce qui est le plus dur !
De toute façon, c’est quasi impossible d’être 100 % écolo en déco !
Si on ne trouve pas on fait faire.
Vous avez également un show room à Chessy Les Mines à vingt minutes de Lyon, que peut-on y trouver ?
Cette boutique Showroom nous permet de présenter les matériaux de finition et de décoration, de les mettre en situation, comme un appartement témoin avec les meubles d'artisans locaux. Nous présentons également des produits locaux écologiques. Et bientôt nous proposerons des cuisines écologiques.
Des personnes qui vous inspirent ?
Je suis plus inspirée par les choses qui m’entourent, par l’humain, la spiritualité, la philosophie, la nature, la science.
Vos derniers coups de cœur musicaux ?
Hillsong et les musiques d’inspiration africaine comme Salif Keita ou Nina Simone !
En cuisine, quel est votre plat préféré ?
Un plat indien, le Palak Paneer, des épinards aux épices indiennes et fromages avec du riz basmati. Un régal dont raffole aussi mon fils.
https://www.marmiton.org/recettes/recette_palak-paneer-a-la-vache-qui-rit_320701.aspx
https://www.atelierdeschefs.fr/fr/recette/24069-palak-paneer.php (cela prend le panir un fromage traditionel à la texture des blocs de soja et poêlé et non la vache qui rit pour la recette originale.)
Un site internet, un livre, une devise à partager ?
Pinterest m’inspire beaucoup, j’avoue. Sinon, je suis très sensible aux illustrations des livres d’enfants de mon fils, au graphisme qui s’en dégage.
Quant à ma devise, elle tient en ces mots, “Le bonheur se partage”. Il faut prendre soin des autres. J’ai toujours cette notion en tête avec mes clients. j’y suis très attentive pour que cela se passe bien, qu’ils soient sereins car la rénovation est souvent stressante. Ils ont besoin de bienveillance.
Positiv.fr ou consoglobe.com une source d'informations sur les nouvelles tendances et solutions humaines et écologiques.
Crédits photos Alexandra Vincent - Hava Design
Propos recueillis par Edith SELLIER PASCAL