Rencontre Déco # 8 : Stefan Sagmeister, artiste inspiré

Rencontre Déco # 8 : Stefan Sagmeister, artiste inspiré - Quark

Certains diront qu’il est “original”, d’autres pencheront plutôt pour “transgressif”. Mais tous s’accordent sur un point; Stefan Sagmeister est un artiste complet au talent inouï, une vraie “Pop Star” dans son domaine. Celui qui a commencé en faisant des pochettes de disques et des affiches pour Lou Reed, Talking Heads, Brian Eno et les Rolling Stones, excusez du peu, s’affirme depuis trois décennies comme un des artistes les plus créatifs de sa génération. II n’hésite pas à se photographier, créer un mur de banane, à se mettre en scène, à mêler “fait main” et nouvelles technologies pour réaliser des œuvres toujours plus inspirées. Il a très gentiment accepté de répondre à nos questions et on l’en remercie. Rencontre avec un artiste pour qui le beau n’est pas un simple concept mais une réalité qu’il met en pratique.

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Comment êtes-vous devenu designer ? Était-ce un rêve d’enfant ou est-ce arrivé plus tard ?

J’ai commencé à écrire pour un petit magazine qui s’appelait Alphorn quand j’avais quinze ans et rapidement j’ai découvert que j’aimais plus encore faire la mise en page qu’écrire. Ensuite, à 18 ans, j’ai visité New York City et j’ai immédiatement su que c’est là que je voulais vivre. Pour avoir grandi dans une petite ville des Alpes Autrichiennes, je voulais désormais évoluer dans une grande métropole.  

Quand j’ai fondé Sagmeister Inc. en 1993, notre offre a démarré avec une petite gamme de produits notamment pour des graphismes dans l’univers musicalElle s’est élargie à travers les années incluant toutes les fournitures pour films documentaires. 

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Pouvez-vous nous décrire votre façon de travailler ? Comment est-ce que vous créez ?


Les idées viennent de partout sauf des autres designers graphiques, bien sûr ! Je peux être inspiré par pas mal de choses, un trajet en train, un morceau de musique et ensuite ce qui va être intéressant, c’est de le transposer dans le monde du design.

Je peux me sentir vraiment heureux pendant que je travaille surtout quand je suis engagé dans de l’artisanat dans lequel je pourrais me perdre. Et à propos du fait de travailler dans les trains : ce mouvement vers l’avant, l’anticipation de ce que va être un nouvel endroit, la possibilité de se déplacer dans le train avec le paysage qui se déroule tout autour, tout ça contribue à augmenter mon sentiment de bien-être. 

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Comment qualifieriez-vous votre style ?

Nous avons une philosophie concernant notre style au sein de notre studio : l’ouverture d’esprit.

J’ai trouvé que prêter attention au style améliore notre bien-être donc pourquoi ne pas y faire attention. Je me suis également rendu compte qu’en changeant notre propre style sur chaque projet, on reste plus en surface stylistique et on court le risque de copier les styles développés par d’autres. En vieillissant, je recherche de plus en plus une réponse émotionnelle qui vienne moins des idées basées sur le travail que d’une conception formelle, viscérale et stylisée. Le travail axé sur des idées a souvent tendance à être « jockey », spirituel au démarrage mais peut aussi à la longue devenir quelque peu ennuyeux.

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Qu’est ce qui est le plus important dans le design aujourd’hui ?

La Beauté ! Nous avons trouvé que les belles choses fonctionnent beaucoup mieux. Je crée souvent des fonctionnalités supplémentaires importantes que les pièces conçues uniquement pratiques ne pouvaient pas offrir. Et il pourrait être tentant de tomber dans l'idée fausse selon laquelle la beauté importera moins dans un monde plus rapide, car la vitesse actuelle réduira les possibilités de s'arrêter et de sentir les roses. 

Notre conseiller scientifique, le Dr Helmut Leder, montre que la beauté peut être vue en fait comme un raccourci afin de préserver l'énergie et de prendre des décisions inconsciemment, sans pensée contagieuse, ce qui signifie que la beauté joue un temps encore plus central dans des temps plus rapides.

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Beaucoup de professionnels du design, que ce soit dans l’architecture, le produit ou le design digital, ne prennent pas vraiment très au sérieux, le concept de beauté. Beaucoup la considèrent comme superflue et vont plutôt se concentrer sur la fonction. Je crois fermement que la seule recherche de fonctionnalité conduit souvent à des travaux qui ne fonctionnent pas du tout, les projets de logements sociaux des années 50 et 60 en était un excellent exemple : le but étant de regrouper autant de gens que possible dans des habitations qui n’étaient pas faites pour. Elles ont d’ailleurs dû être démolies vingt ans plus tard. 

Mon vieil ami et mentor Tibor Kalman avait l’habitude de dire, « je n’ai rien contre la beauté, je ne la trouve juste pas intéressante ». Au départ, j’étais d’accord avec lui mais j’ai finalement changé d’avis ; je pense que la beauté peut être un fantastique moyen de communication. Cela aide à devenir plus sensible et émouvant.

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Pouvez-vous nous parler des gens qui vous inspirent ?

Quand j’étais étudiant, j’étais complètement obnubilé par un livre sur Storm Thorgerson et le travail qu’il a réalisé pour Hignosis, le collectif de Design Britannique qui a créé toutes les pochettes d’albums pour Led Zeppelin, Pink Floyd et plein d’autres. Ils ont développé les idées les plus incroyables et utilisé des artisans pour les réaliser parfaitement.

Encore maintenant, j’ai toujours hâte de voir les nouvelles installations de James Turrel dans le musée du Massachussets MassMoca. Son exhibition au Mac à Vienne, il y a vingt ans, reste le show le plus influent et le plus incroyable que j’ai jamais vu. 

Récemment, j’ai été très inspiré par une interview de Ann Hamilton dans laquelle elle s’interroge sur la créativité et elle mentionne que ce n’est pas un terme dont elle veut parler mais que la flexibilité est quelque chose qui l’intéresse beaucoup plus.

Que pensez-vous de la décoration ? Est-ce quelque chose d’important pour vous. Et quel style va t-on retrouver chez vous ?

Un des plus importants et influents architectes autrichiens est Adolf Loos qui a écrit un livre appelé « Ornement et Crime » dans lequel il décrit les gens dessinant des nouveaux ornements comme des criminels. Il trouvait qu’il serait criminel de gâcher l’artisanat en obligeant les créateurs à mettre des ornements partout. Vingt ans après avoir écrit ce livre, il a dessiné un ensemble de verres assez magnifique avec une ornementation très subtile pour la compagnie autrichienne Lobmeyr qui a continué à les produire pendant les 80 dernières années. 


Il a inclus une lettre avec les dessins où il a spécifié des ornements à découper dans les verres: Il a suggéré de petites illustrations comme des papillons, la forme humaine nue, de petits animaux, etc. Donc apparemment l’auteur de « Ornement et Crime » aimait quand même l’ornement. Mais il n’a pas eu l’opportunité de finir ces ornements lui-même donc Leonid Rath, le propriétaire de la société Lobmeyr a commissionné mon studio 80 ans après. Nous avons produit des images pour un ensemble de 14 verres appelé paradis et enfer, comportant des ornements représentant les sept vertus célestes et les sept péchés capitaux.

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En fait, le combat ne se situe pas entre simplicité et complexité, minimalisme et ornements mais entre ce qui est désigné avec amour et ce qui est fait sans attention. La beauté fait partie ce que signifie être humain !


Vous êtes un Autrichien qui vit à New York. Quelle est votre relation avec ces deux pays ? 

La majeure partie de mon éducation s’est faite en Autriche jusqu’à mes 24 ans. Comme pendant ces années, mon cerveau continuait de grandir, je suis sûr que la plupart de mes influences, de mes connections profondes se sont forgées là-bas, à ce moment-là. Et même si je vis et que j’adore New York depuis trente ans, je suis toujours citoyen Autrichien et peut-être plus important encore, je me sens vraiment Autrichien.


Quel est votre plat préféré ? Est-il autrichien ou américain ?

Pour la plupart des gens, leur plat favori est un plat avec lequel ils ont grandi. Les goûts culinaires sont influencés à 80 % par la culture quand ceux d’un partenaire se font eux à 80 % par l’ADN. Les miens proviennent d’Autriche occidentale, les Spaetzle au fromage, de très petites boulettes.

https://jecuisinedoncjesuis.com/spatzle-aux-fromages/

Avez-vous une devise à partager ?

J’en ai plein, voici mes vingt favorites :   

  1. Aider les autres, m'aide.
  2. Avoir des tripes fonctionne toujours pour moi.
  3. Penser que la vie sera meilleure à l'avenir est stupide. Je dois vivre maintenant.
  4. Organiser un groupe caritatif est étonnamment facile.
  5. Ne pas être honnête travaille toujours contre moi.
  6. Tout ce que je fais me revient toujours.
  7. Assumer est étouffant.
  8. Les drogues font se sentir bien au début et deviennent un frein plus tard.
  9. Avec le temps, je m'habitue à tout et je commence à prendre pour acquis.
  10. L'argent ne me rend pas heureux.
  11. Mes rêves n'ont aucun sens.
  12. Tenir un journal favorise le développement personnel.
  13. Essayer de bien paraître limite ma vie.
  14. Les produits de luxe sont mieux appréciés à petites doses.
  15. S'inquiéter ne résout rien.
  16. Se plaindre est idiot. Soit agir, soit oublier.
  17. Tout le monde pense avoir raison.
  18. Si je veux explorer une nouvelle direction professionnellement, il est utile de l'essayer d'abord par moi-même.
  19. De faibles attentes sont une bonne stratégie.
  20. Quiconque est honnête est intéressant.
    Crédits Photos : Stefan Sagmeister.

    https://sagmeister.com/


    Propos recueillis par Edith SELLIER PASCAL




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