Marseille, dixième arrondissement, Boulevard Fifi Turin, n° 20. C’est là, derrière le grand portail que se trouve un lieu magique : les puces de fifi. Incontournables dans la cité phocéenne, tous les amateurs de seconde main et de vintage ne jurent que par les puces de fifi. Attention ils sont de plus en plus nombreux ! On parle d’une véritable caverne d’Ali Baba. Le lieu est “habité” par huit passionnés qui se dédient corps et âme à cette unique passion : la brocante. Pour eux, “l’aventure déco” se vit tous les jours pour leur plus grand bonheur. Interview à plusieurs voix.
La "team Fifi" (Roger, Elodie, Emanuelle, Frédéric et Laurent - manque Anabelle, Jacques et Fabrice)
Qui se cache derrière les puces de fifi
On est huit au total : Laurent, Frédéric, Emmanuelle, Roger, Elodie, Jacques, Fabrice et Anabelle. Nous nous sommes connus au marché aux Puces de Marseille. Au départ, la brocante y avait une place qui depuis longtemps réduisait comme peau de chagrin. On se faisait grignoter petit à petit par les fruits et légumes, par les vêtements et autre bric à brac.
C’est un besoin de changement qui nous a motivé à créer les puces de fifi. Nous voulions renouveler le modèle. On s’est dit qu’on avait besoin d’un espace à nous, véritablement dédié à la brocante.
Il y avait ce village des antiquaires qui existait depuis environ trente ans et qui ne regroupait plus que des ateliers de stockage. Les propriétaires nous ont accueillis et nous avons commencé à louer ce lieu il y a quatre ans maintenant.
Le nom les puces de fifi nous a été soufflé par le nom de la rue qui célèbre une ouvrière militante et résistante, Josephine Cavallini Turin, dite Fifi, fusillée, après son arrestation par la Gestapo.
Et les Puces de Fifi sont nées.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce monde de la brocante ?
C’est viscéral ! C’est une passion, une façon de vivre, aussi. Le mot d’ordre va être “chiner”! C’est ça le moteur. Quand on part chiner, on part à l’aventure, sans idée en tête, on ne sait jamais ce qu’on va trouver. On n’a pas d’idée précise, on va se laisser porter, être réceptif et le hasard va faire les choses. C’est avant tout, un métier de hasard, mais surtout, de plaisir, de bonheur. Une passion en somme. On n’a pas cette impression de travailler et c’est ce qui en fait un vrai privilège. On peut le dire, c’est que du bonheur !
Comment approvisionnez-vous les puces de fifi
Ça vient de partout, vraiment ! On garnit les puces de fifi avec les professionnels; de marchands à marchands, en achetant aux particuliers, chez Emmaus, dans des vides-greniers, des déballages. On peut également aussi avoir des clients qui nous amènent des objets, les récupérer chez eux quand ils n’en veulent plus. Les moyens de s’approvisionner sont vraiment multiples. Notre métier est en mouvement constant, on vend, on achète, on cherche, on découvre…
Impossible donc de dire que le métier de brocanteur se limite à un simple commerce ?
Non, bien sûr. Le commerce, ce n’est qu’une petite partie du “job”. On est toujours en éveil. Quand on voit un objet qui nous plaît nous devons agir vite. Il est impossible de tergiverser dans ce secrteur. Nous achètons sinon nous pouvons passer à côté. C'est ça notre vie chez les puces de fifi.
On a souvent aussi besoin de rénover, d’apporter des améliorations. On le fait dans la mesure de ce qu’on sait faire, parfois on fait faire… Fred est notre “rénovateur”, ancien restaurateur, il nous aide au mieux quand on est en panne de savoirs faire.
On peut également être amené à modifier, compléter un objet. Ainsi, Annabelle transforme un plateau en marbre vert du Guatemala en table en faisant faire des pieds par un ferronnier ou Roger crée un véritable cadre incroyable avec des fils transformés en barbelés pour une aquarelle qui dormait tranquillement dans un carton depuis une dizaine d’années.
Vous l’avez compris, c’est un métier qui nous régale véritablement même s’il y a parfois des vrais moments de doute, de remise en questions. Des moments ou c’est difficile, lourd à tous les points de vue… Quand il faut porter des meubles ou les déplacer aussi !
Avez-vous constaté un regain d’intérêt avec les puces de fifi pour la décoration et la brocante ?
Il y a eu un vrai regain depuis le confinement de Mars dernier (ndlr : mars 2020). Depuis un an et sans doute l’obligation de rester chez soi, les gens ont véritablement ressenti le besoin de se meubler et de se meubler ou décorer différemment. D’où, le choix de la seconde main. Les gens sensibles au mobilier vintage viennent chez nous du coup.
Comment vous faites-vous connaître ?
Il y a bien sur nos anciens clients qui nous connaissaient depuis le marché aux Puces et qui nous ont suivis. Les puces de fifi c'est avant tout une histoire de famille. Puis il y a le "bouche à oreille" qui fonctionne extrêmement bien. Et puis nous avons eu la chance d’avoir de nombreux influenceurs qui ont parlé de nous comme Ines de la Fressange dans sa newsletter, l’émission de TV ”La Maison France 5”, la série “Plus belle la Vie” qui a tourné un épisode l’année dernière et va revenir d'ailleurs. Résultat, plus de cinq mille abonnés nous suivent sur Instagram. Chaque jour, nous accueillons de nouveaux abonnés, et c’est un réel plaisir de voir à quel point nous sommes suivis.
Que viennent chercher les clients chez les puces de fifi ?
De l’authenticité avant tout ! Du vintage, de l’unique, de l’insolite ! On ne vend pas de faux, ici. Chaque objet, le plus souvent est unique ! Et ça, ça n’a pas de prix ! Même s’ils viennent aussi chercher “du prix” car on essaie vraiment de proposer les objets à des prix raisonnables. C’est important pour nous. Et ce n’est pas toujours le cas de particulier à particulier avec des interlocuteurs qui s’enflamment un peu et peuvent proposer des objets au-dessus de leur valeur.
Après leurs goûts vont souvent vers le style scandinave et les années cinquante-soixante. Même si on constate cependant que le “Classique” a encore la vie dure et part très bien dès qu’on en rentre. L’intérêt, c’est qu’on mélange les styles, on peut tout se permettre, il n’y a aucune limite.
Les puces de fifi sont constituées de plusieurs espaces. Comment faites-vous pour mettre en scène des objets aussi disparates et donner envie de les acheter ?
Nous avons 550m2, répartis en huit et chacun de nous a son espace et ses objets à vendre. Certains espaces selon la personnalité du concepteur, sont très chargés et relèvent effectivement de la caverne d’Ali Baba, d’autres sont plus épurés et mettent en scène beaucoup moins d’objets. C’est très variable.
En plus, ces espaces sont en constante évolution car les objets vont et viennent. Certains sont achetés, d’autres partent pour des besoins de tournage et reviennent ensuite. Si une table est vendue, il faut déplacer les objets posés dessus et c’est ainsi que nos mises en scène évoluent constamment au gré des évènements.
Quel objet mythique du design garderiez-vous si vous ne pouviez en choisir qu’un ?
Tout ! Impossible de répondre à cette question. On achète tous avec notre sensibilité propre et c’est différent. Élodie, va, elle, acheter que ce qui lui plaît et qu’elle mettrait chez elle, notamment des chaises, des commodes et des tabourets, quand Emmanuelle, au contraire achèterait des objets plus improbables. Ça peut être une cuisinière incroyable comme celle de Roger, une plaque de verre qu'on ne retrouvera jamais...
Parfois, on achète aussi parce que le prix est intéressant. Après on ne va pas dire que les noms de Jean Prouvé ou Charlotte Perriand ne nous motiveraient, on mentirait !
La déco est en plein développement actuellement. Quels en sont les enjeux selon vous, son utilité ?
Bien sûr que les gens consomment moins et mieux, des objets qui ont une âme, qu’on ne retrouvera pas chez les voisins, accessoirement.
Retrouvez le compte Facebook de l'équipe
Propos recueillis par Edith Sellier Pascal